Résumé :
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L'acétylcholinestérase (AChE) hydrolyse le neurotransmetteur acétylcholine (ACh) dans les synapses cholinergiques des systèmes nerveux central et périphériques. Cette fonction est portée par le site catalytique, enfoui au cœur de la molécule au fond d'une gorge tortueuse et étroite. L'apparente incompatibilité de cette géométrie avec l'intense activité catalytique de l'AChE a suggéré l'existence d'une " porte arrière ", distincte de l'entrée de la gorge menant au site catalytique et permettant une sortie rapide des produits de la réaction d'hydrolyse et/ou une entrée alternative d'ACh. Mon projet vise à démontrer l'existence de cette porte arrière et à documenter sa contribution au mécanisme de catalyse enzymatique. Mon modèle d'étude est une certaine espèce d'AChE, choisie pour 3 raisons principales. 1- Cette AChE présente l'activité catalytique la plus élevée de toutes les AChE. Les raisons de cette particularité sont actuellement inexpliquées. 2- En plus des ligands classiques des AChE (fasciculine ou inhibiteurs organiques " allostériques " se fixant à l'entrée de la gorge ; inhibiteurs organiques réversibles ou irréversibles fixant le site catalytique), nous disposons (par collaboration) d'anticorps monoclonaux inhibiteurs, spécifiques de cette AChE ; trois de ces anticorps inhibent l'enzyme en se fixant, comme la fasciculine, à l'entrée de la gorge menant au site actif, alors que le quatrième se fixe en une région proche de la porte arrière pressentie. 3- Des résultats structuraux obtenus dans l'équipe suggèrent la contribution de certains résidus de cette AChE au fonctionnement de la porte arrière. Sur la base de la séquence génomique de cette AChE nous avons conçu un cDNA codant pour une sous-unité recombinante de type sauvage, flanquée d'une séquence " étiquette " favorisant la sécrétion dans le milieu de culture et la purification par affinité. Puis sur la base des informations structurales nous avons substitué chacun des résidus d'acides aminés suspectés participer au fonctionnement de la porte arrière, générant ainsi une première série de quatre mutants. Ces AChE recombinantes sont exprimées de façon transitoire dans des cellules HEK puis purifiées à partir du milieu de culture en une seule étape. Leur homogénéité et leur nature monomérique ont été validées par électrophorèses en conditions dénaturante ou native. Leur activité spécifique (hydrolyse du substrat ATCh) et leur sensibilité aux divers inhibiteurs ont été analysées : chacun des mutants présente une activité spécifique mesurable, bien que plus faible que celle du type sauvage, et tous sont reconnus par la fasciculine et les anticorps monoclonaux, suggérant que si la région de la porte arrière a bien été modifiée, aucune altération drastique du site catalytique de la sous-unité d'AChE ni de ses principaux sites interactifs de surface n'a été induite par la mutation. En revanche, pour l'un des mutants l'augmentation du niveau d'activité catalytique résiduelle observée en présence de l'anticorps fixant la région de la porte arrière suggère que les substitutions ont bien altéré le fonctionnement de cette porte. La caractérisation physique et fonctionnelle de la porte arrière de l'AChE permettra une meilleure compréhension d'un mécanisme inhabituel de régulation enzymatique pour le trafic du substrat et/ou du produit de la réaction.
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