Résumé :
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La peur, le manque de formation des enseignants et leur isolement sont parfois sources de difficultés dans l'intégration scolaire des enfants handicapés. Le " non-dit " des émotions interférant alors sur l'équilibre psychique de l'enseignant, les repères habituels de l'acte pédagogique risquent d'être modifiés. Même si des obstacles restent à franchir(1), la législation actuelle intensifie le mouvement d'intégration scolaire des enfants porteurs d'un handicap. Une série de lois et de circulaires ont affirmé de plus en plus nettement le droit à la scolarisation en milieu scolaire normal. Ainsi, la loi du 25 novembre 1999 stipule : " Chaque école, chaque collège, chaque lycée a vocation à accueillir, sans discrimination, les enfants et adolescents handicapés dont la famille demande l'intégration scolaire ". Cette position fait, cependant, apparaître des difficultés jusqu'alors insoupçonnées. La formation initiale des enseignants et la quasi absence de travail sur les " contre-attitudes " éprouvées lorsqu'ils sont confrontés (parfois pour la première fois) à un enfant ou un adolescent atteint d'une maladie neuromusculaire, ne les aident pas à gérer ce type de situation. Dans certains cas, il en résulte des relations maître-élève difficiles : soit une sur-identification aux parents de l'élève malade, soit des stratégies phobiques d'évitement, soit un rationalisme morbide (à quoi cela sert-il d'enseigner attendu qu'ils ne se serviront pas de ce qu'ils apprennent ?), ou encore des clivages et des conflits d'équipes (entre " les pour et les contre " l'intégration). La présence concrète de la maladie fait intrusion dans la vie personnelle des enseignants, rendant perméable la barrière vie privée/vie professionnelle. La confrontation visuelle aux signes tangibles de maladie réactive, par exemple, des souvenirs pénibles (deuils antérieurs, accès anxieux dû à l'exposition à une situation anxiogène devenue non évitable). Cette confrontation peut intensifier l'impact de situations actuelles, éprouvantes, de la vie privée ainsi que les peurs de maladies pour soi-même et pour ses proches (2). Livrés à eux-mêmes face à leur monde interne, certains enseignants ont honte ou se culpabilisent d'avoir ce qu'ils appellent des " mauvaises pensées " (il vaudrait mieux ne pas laisser vivre ces enfants plutôt que de les trachéotomiser…). D'autres s'interrogent sur la " normalité " de ces pensées et de ces émotions (exemple : est-ce " normal " de ne pas supporter la vue d'un acte d'aspiration trachéal ?). L'impact du " non-dit " des émotions sur l'équilibre psychique de l'enseignant peut induire une modification de l'acte pédagogique. Ceci peut se traduire par une personnalisation de l'évaluation de l'élève (sur-évaluation entraînant un leurre du sentiment de compétence pour l'élève et ses parents) et par un laxisme dans la relation à l'autorité pouvant laisser libre cours à des attitudes tyranniques de la part de l'enfant ou de l'adolescent malade. Bulletin Myoline 2003,65, p.2
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